Avant que le vent
Avant que le vent ...
de
Cristina F.D Jesus
A Canopy of Colorful Umbrellas Spotted in Portugal
De mon état je suis si incertain
Que consumé d’ardeur je suis tremblant de froid;
Et sans motif je pleure et je ris à la fois,
J’embrasse l’univers et j’étreins le néant.
Tout ce que je ressens est une confusion;
Un feu sort de mon âme, un fleuve de mes yeux
Tantôt j'espère et tantôt j’ai des doutes,
Tantôt je déraisonne et tantôt je vois clair.
Je suis sur terre et je m’envole au Ciel,
Je découvre en une heure mille années,
Et en mille ans ne puis trouver une heure.
Si quelqu’un veut savoir pourquoi je suis ainsi,
Je dis que je l’ignore; et pourtant je soupçonne,
Cristina F.D Jesus, que ce n’est que pour vous avoir lu.
Rosa est née au printemps 1912, alors que la vierge apparaît à Fatima, quelques années plus tard la grippe espagnole fait rage en 1917.
Francisco voit le jour en mai 1917 à Salvador de Briteiros, le peuple portugais affamé, donne l’assaut aux boulangeries…. Au même moment, l’armée française se lance contre l’armée allemande dans la ville d’Arras . Deux enfants innocents, ne sachant pas encore que leurs destins sont liés, leurs chemins les uniront 22 ans plus tard….
"Ce matin-là Francisco parcourt à pieds les quelques kilomètres qui séparent son logis du lieu de son labeur… il passe par le lavoir communal où des femmes lavent leur linge. Rosa qui d’habitude ne levait pas le regard, croisa celui de Francisco durant quelques secondes, ils se sourirent..."
A cette époque la vie était rude, l’éducation chrétienne du début du XX ième siècle était la seule référence, autoritaire comme le régime d’ Antonio de Oliveira Salazar, proche de l’idéologie fasciste de Benito Mussolini, fondé sur le catholicisme et l’anti-communisme. Salazar n’hésitera pas à terroriser la population, en arrêtant toute personne sous prétexte d’avoir fait du tort à l’Etat, les mettant dans des prisons insalubres où les tortures physiques et morales faisaient loi. Salazar se voulait isolationniste, et d’une neutralité apparente durant toute la deuxième guerre mondiale. Il est vrai qu’il avait fort à faire pour maintenir l’unité territoriale d’un pays dont les colonies guerroyaient sans cesse… Travaillant à contre courant des autres pays européens qui eux décolonisaient ; cette politique mis le Portugal dans une récession économique et une culture cloisonnée, qui ne s’acheva qu’à la révolution des « oeillets » en 1974.
Laissez-vous guider par la main de Cristina dans les sentiers odorants qui parcourent le jardin de son grand-père, vous baisserez la tête en repoussant les branches ployant sous les fleurs rouges de Callisternom, appelé aussi « la plante goupillon », les fleurs de grenadiers, des bougainvilliers, et du câprier blanc aux pistils mauves qui ne fleurit qu’un seul jour par an. A vos pieds, elle vous conseillera de ne pas froisser les bégonias roses « elportos », les dahlias-pompons, les zinnias, les cosmos, les arums blancs, de cueillir une pousse de kalanchoe, le cactus francophone, superstition divinatoire qui veut que si une femme désire savoir si un homme l’aime, elle dépose précieusement la feuille dans son livre… si celle-ci fait des pousses c’est que l’amour est au rendez-vous. Et si grand-père, un peu rustre, n’avait jamais vu Rosa sa femme en te-nue d'Eve , on pouvait déduire que par le soin délicat qu’il prodiguait à ses fleurs il en connaissait un bout sur l’unisson de la nature humaine.
C’est sous la pergolas des glycines que le soir venant, le soleil jouait avec ses palettes de couleurs innovantes, et sans cesse renouvelées. Tout poussait de façon angélique comme dans le jardin d’Eden, où Francisco, semait la bonne graine dans la bonne terre au bon moment, son jardin était le symbole du bonheur parfait et d’une communion innocente à chérir avec le Créateur.
Mais le plus précieux de tous les jardins est sans doute celui que nous cachons dans notre cœur car de là viennent les sources de la vie. Il est des choses que seule la nature peut nous enseigner, car elle ne vous juge pas… fermez les yeux et sentir le murmure du vent, des joues roses à l’oreille aimante, tendre son âme aux douces paroles de l’esprit qui souffle de nos ancêtres, se laisser-être oiseau pour un instant, clapotis de l’eau du ruisseau, feuillage de l’oranger frissonnant … Ah ! quel plaisir enchanteur pour cette jeunesse en semence.
Mais les hommes sont comme la nature … capricieux.
« Le bel oranger m’avait vu grandir, il tenait donc une place importante dans mon coeur d’enfant. Or un été, après avoir embrassé grand-père et grand-mère en arrivant de notre long voyage, je me rendis aussitôt dans le jardin. J’avais hâte de m’enivrer des doux parfums de ce petit paradis fleuri et régaler ma vue de ces couleurs éclatantes de beauté. L’oranger et le droit de passage avaient été un sujet de discorde. Il avait été abattu sous la foudre coléreuse de grand-père causée par le vol d’une orange. Il y avait une autre source de conflit permanent : le lavoir et sa source ! Depuis toujours, grand-père et Manuel se livraient bataille sans merci pour l’irrigation des terres …»
C’est en 1970 que cent trente cinq mille jeunes Portugais sans-papier vont fuir leur pays pour la France ; Ils refusent de faire la guerre dans les colonies ne se sentant pas du tout concernés.
Et c’est cette année là que Cristina F.D Jesus naît à l’hôpital de Guimarães, à deux pas du château de D. Alphonse Henriquès. Contrairement à toute attente, cette naissance ne fut la plus grande joie pour la famille, Maria de Fatima, avait un enfant hors mariage, son jeune amoureux était parti clandestinement pour la France, il avait tout quitté, sa femme qu’il aimait tant, sa famille, ses amis … Pendant de longues années Maria resta sans nouvelle de lui, car il devait se cacher. Si aujourd’hui avoir un enfant illégitime est une chose acceptable, à cette époque pour les fervents catholiques, Il s’agissait d’un péché répréhensible. Monsieur Le curé ne ratait pas l’occasion pour faire de cet évènement un exemple du jugement de Dieu.
« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer » © Amin Maalouf
Dans son récit, Cristina F.D Jesus nous montre comment chacun d’entre nous doit se frayer un chemin entre les voies où on les pousse, et celles qu’on lui interdit ou qu’on sème d’embûches sous ses pieds. Elle n’est pas d’emblée elle-même, elle ne se contente pas de prendre conscience de ce qu’elle est, elle devient ce qu’elle est ; elle ne se contente pas de prendre conscience de son identité, elle l’acquière pas à pas comme l’ensemble des franco-portugais.
Le 25 avril 1974 « Grândola Vila Morena » va être interprété au marché aux fleurs à Lisbonne, les militaires enfileront un oeillet rouge dans le canon de leur fusil … cette fleur restera le symbole de la
« la liberté retrouvée ».
Les grands navigateurs portugais, sont les premiers à découvrir d’autres modes de culture et de codes de vie. La distance et l’absence va renforcer l’ attachement particulier à leur terre d’origine. Ce qui explique en partie cette caractéristique des gens du sud naturellement portés à la nostalgie ; « Saudade » est le sentiment portugais chanté dans « le Fado ».
Et si aujourd’hui, certains ont quitté leur terre natale, et beaucoup d’autres sans l’avoir quitté ne la reconnaissent plus.
Cristina FD Jesus, en décrivant la vie de quatre générations de sa famille, nous fait prendre conscience que l’évolution de nos sociétés de l’hémisphère Nord s’est accélérée… ce qu’autrefois on ne traversait qu’en de nombreuses générations, aujourd'hui disparaît dans la conurbation délirante.
Après la mort de grand-père, grand-mère venant passer les vacances en France, s’émancipa sur le tard, elle, qui n’avait jamais dévoilé son corps en public, et souffrait de la chaleur sous ses vêtements noirs, demanda qu’on l’accompagne dans une boutique pour s’acheter un maillot de bain. Quel fou rire ! Grand-mère en bikini ? Quel enfantillage, non !
Cristina F.D Jesus est l’heureuse maman deux grands garçons, et Rosa est donc très fière de ses arrières-petits-fils. Le seul regret de Cristina : celui de ne pas avoir enseigné sa langue maternelle à ses enfants car ils n’ont donc pas pu dialoguer avec leur arrière grand-mère et peut-être est-ce la raison pour laquelle l’auteur a noirci ses quelques pages.
L’héritage de Cristina, ce sont les rires aux éclats des blagues « de la petite mamie », la connaissance des parfums de la nature, le bon sens des gens du terroir, la tolérance dans l’acceptation des différences, l’intelligence du cœur dans la peine partagée.
C’est parce qu’elle s’est sentie respectée dans sa culture d’origine que Cristina remercie son pays d’accueil, la France et qu’aujourd’hui elle vous partage ses souvenirs dans la langue de Voltaire.
« Grand-mère, grand-père, j’avais promis de rendre hommage à l’aide de ma plume.
J’espère que de là- haut, vous approuvez ces quelques pages écrites pour vous, pour moi,
Pour vos petits-enfants et tous vos descendants. »
A tout jamais dans mon cœur.
Votre petite fille
Cristina.
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Titre : Avant que le vent...
Auteur : Cristina FD Jesus
Editeur : Lulu.com
paru le 9 mars 2013
Livre sélectionné pour le livre du mois de mai 2013.
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